Maîtresse de Barbet Schroeder.
Maîtresse de Barbet Schroeder est une plongée dans le clair-obscur de la vie humaine, en tout duale. A l’encontre de tout manichéisme et de toute simplification excessive, Barbet Schroeder nous donne à voir cet entre-deux délicat et instable de la nature humaine. Où l’on voit qu’un remède peut facilement devenir poison, et le poison, délice. Tout est question de dosage… savant, ni trop ni trop peu. L’on peut pécher par excès ou mourir de trop de parcimonie.
Dualité, tout est dualité, tensions entre deux extrêmes, et l’être humain se coltine avec ça et passe sa vie à s’en débrouiller, maladroitement. Ariane passe ainsi d’une vie bourgeoise et rangée dans l’appartement « du dessus », à l’atmosphère nosferatuesque des catacombes de l’étage « du dessous ». Avec comme seule transition un escalier mobile à la James Bond et sa vêture de Maîtresse, maquillage, perruque, recueillement.
Au clair-obscur opposition des lumières et des ombres, s’ajoute le clair-obscur de la relation d’Ariane avec Olivier. Une lumière dans la noirceur, trop de noirceur, question de dosage… La survenue fortuite d’Olivier dans la vie d’Ariane bouleverse le précaire équilibre. Observation participante d’un être simple découvrant l’inframonde d’Ariane, nous assistons aux entrechats de leurs personnalités. La solidité brute d’Olivier devient regard enfantin, interrogateur, émoustillé autant que désemparé. La fragilité de la délicate et classieuse Ariane s’efface devant l’assurance et la brutalité maîtrisée de la dominatrice.
Car enfin il faut bien y venir et tout comme Olivier, s’interroger, vouloir comprendre. Qu’est-ce qui meut Ariane, la Maîtresse, ses soumis ? Qu’est-ce que ce monde de tortures et de tourments ? A Olivier, Ariane répond qu’elle est passionnée par ce qu’elle fait, qu’elle aime entrer dans la folie des gens… Où l’on décèle de la douceur et de l’amour, l’attention immédiate et grandissante de la maîtresse pour ses partenaires-soumis fait office de bascule dans la dispensation des supplices. Que cela ait un sens ou pas, elle s’étire, se prolonge, mue, et devient fil d’Ariane et corps de l’inimaginable imaginaire. À l’image d’un équilibriste, la femme devient l’objet de ses propres contradictions, met en scène la schizophrénie du fantasme rêvé et vécu.
Et alors se manifeste une fois de plus la dialectique humaine . Apparition du sens, éclairant le monde ordinaire des apparences. Les significations apparaissent ; ce que l’on croyait s’inverse en son contraire. Et l’appartenance devient libération, la douleur béatitude, le supplice amour, la torture attention à l’autre. Et la société pure aliénation.
Et c’est dans le rapport de soumission à sa Maîtresse que le soumis abandonne son masque social, pour retrouver son vrai moi et se libérer de ses démons . Sous le joug de sa Maîtresse, il est présent à jamais à ses sensations. Pas de divagations de l’esprit et d’oubli du corps, le ici et le maintenant seuls comptent. On est dans la Présence à soi et en l’instant.